A sa construction, la maison comporte deux
pièces au rez-de-chaussée et deux au premier étage. L'atelier de menuiserie et
son étage occupent le fond du terrain. En façade se remarquent une superbe
porte cloutée à deux vantaux et des vitraux aux fenêtres. Une cheminée
ancienne, récupérée probablement, fait
l'admiration des visiteurs. Le magasin à bois est situé à l'angle de la rue
d'Esquermes et du Boulevard. En ce temps là, dans les rues, les voitures
hippomobiles sont nombreuses, les transports plus légers sont effectués avec
des voitures à bras. Ces baladeuses sont le moyen habituel des livraisons.
Les remparts,
construits après l'annexion d'Esquermes par la ville de Lille en I858,
ceinturent la ville partant de la place Antoine Tacq, les habitants disent
« la Porte de Béthune » car celle-ci y est incontournable, il faut
passer dessous pour entrer ou sortir de la ville. Le train de ceinture qui va
de la gare St Sauveur a l'embryon du Port de Lille, en ravitaillant en route
les usines érigées sur son passage, rythme les journées. Les remparts servent
de lieux de promenades agréables et de terrains de jeux pour les enfants.
Le Boulevard de Metz, ainsi dénommé en 1872 est un des sept
tronçons du Boulevard du Maréchal Vaillant qui faisait six kilomètres de long.
Il n'a de boulevard que le nom, c'est plutôt un chemin de terre pavé entre la
rue d'Esquermes et la Place Antoine Tacq, et aussi entre la rue St Bernard et
la Porte des Postes, devant l'hôpital de la Charité. Il faut se rappeler que
des vestiges néolithiques prouvent que ce coin d'Esquermes était habité dès la
plus haute antiquité. Rigaux, de 1870 à 1875, mit à jour 88 sépultures franques
Place A. Tacq. Dans ces tombes se trouvaient des vases et de multiples objets:
fibules. boucles de ceinture, épées, lances et boucliers.
Autour de la Porte de
Béthune, il y a cinq cafés, une forge (maréchalerie, carrossage, charronnage)
une épicerie, une bourrellerie. Aux bords des rues avoisinantes deux ou trois
cafés, une droguerie, une boucherie, un débit de tabac et une épicerie. Au
milieu de la place un kiosque à tramways puisque c'est le terminus du B
qui rejoint le centre ville par lia rue de Loos. Le tramwav B va du centre
ville à Haubourdin par la rue d'Isly.
Avant l4-l8, le travail se fait à la main.
Chaque ouvrier possède son coffre avec des outils marqués à ses initiales. La
semaine de travail compte 66 heures à 0,55 Frs.
En 1924, Pierre Bailleul reprend la Menuiserie
en Société. L'atelier occupe désormais les 117 M2 du rez-de-chaussée
et l'habitation est transférée au 1er et 2ème étage.
Quatre machines en fonte sont installées : scie à ruban, raboteuse
dégauchisseuse, mortaiseuse et toupie. L'énergie, d'abord founnie par un moteur
à gaz, est très vite donnée par électricité. Quatre établis massifs permettent
le travail à façon.
L'effectif de la menuiserie se compose du
patron qui travaille aussi de ses mains et de trois ouvriers de base. Des
compagnons sont embauchés et débauchés selon les travaux à faire
comme c'est la coutume à l'époque.
Pierre Bailleul obtient une médaille d'argent
au Concours Lépine de I 932 pour l'invention d'un protecteur pour toupie. Le
slogan «Son prix ? moins qu'un bout de doigt ». tandis que Madame
Bailleul, qui a élevé sept enfants, obtient la médaille de bronze de la Famille
Française la même année. Le téléphone est installé au début
des années 30. Il sera pendant longtemps le seul du coin et a
donc servi à beaucoup de voisins.
La Porte de Béthune, qui a vu passer
Clémenceau et le Président de la République le 21 septembre 1918, et les
remparts ont été rasés, à la force des bras dans les années 20. Des vestiges,
avec des casemates subsisteront jusque la guerre 39. Celles-ci serviront
d'abris à de nombreux habitants du quartier et des H.B.M. de la rue Verhaeren
pendant les trois jours de bataille dans le secteur (26-27-28 mai 1940).
Lors de ces
combats, la menuiserie a reçu quelques obus français de 75. Le numéro trois du Boulevard a été rasé par
une bombe allemande. Il n'y a plus seule une vitre dans les environs. Le
travail reprend très vite avec une pénurie de matériaux pendant toute la
guerre. Dés 40-41, les restes des
fortifications sont rasés et servent à faire la rampe du pont
de la Cité Hospitalière. Dans la plaine sur le boulevard sont
érigés une cinquantaine de
baraquements pour loger les sinistrés des bombardements.
Après
la guerre, l'automobile, est longtemps restée objet de luxe réservé à des
privilégiés. La première camionnette de la Menuiserie est acquise en 1952, elle
sera suivie d'une 203 Peugeot et d'une 403 bâchée. Vers 1950, la Ville s'est
décidée à moderniser le boulevard de Metz. Dans l'opération, le magasin à bois
est rasé. Les H.L.M. s'élèvent peu à peu entre 1955 et 1960.